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ITINÉRAIRE

Jacques Dewitte est né à Bruxelles en juillet 1946 et a passé toute son enfance et son adolescence dans cette ville.

En raison de son intérêt de toujours pour le langage et la littérature (suscité notamment par la lecture, à 17 ans, de « A propos du ‘style’ de Flaubert » de Proust), il a entrepris à l’Université libre de Bruxelles, à partir de 1964, des études de philologie romane. Insatisfait par ces études, il a découvert, en 1966, la linguistique structurale. Rencontre, cette année-là, de Nicolas Ruwet et de Roland Barthes. Ses études s’achèvent en 1969 par un mémoire de licence sur « Espace et communication selon Maurice Blanchot ».

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En 1967, à la suite d’une rencontre d’un groupe d’étudiants de l’université autour de la personne du professeur Max Loreau, il participe à la fondation de la revue « Textures », dont il est membre du comité, aux côtés notamment de Marc Richir. Lors des événements de mai 1968, dont ce petit groupe se sent proche, il participe à une occupation des locaux de l’université.

 

Intense activité intellectuelle de ce groupe, avec un intérêt passionné pour l’œuvre de Jean Dubuffet, sous l’influence de Max Loreau, mais aussi une lecture de la revue Socialisme et Barbarie avec un intérêt pour l’idée d’«autogestion ». En 1970, il dirige et constitue le numéro de « Textures » intitulé « Politique de Bataille ». En 1971, il participe à l’élargissement de la revue à des membres français, avec l’arrivée de Marcel Gauchet, mais cesse bientôt d’appartenir au comité.

A partir de 1971, plusieurs années dans l’enseignement secondaire en Algérie et en Belgique, comme professeur de Lettres françaises.

En 1974, découverte des écrits du philosophe polonais Leszek Kolakowski, vivant à Oxford, auquel il rend plusieurs fois visite. A travers lui, il apprend à connaître l’ « humanisme d’Europe Centrale » et une conception de la culture diamétralement opposée à l’idéologie de l’anti-culture qui prévalait dans « Textures ». Il entreprend de traduire (de l’anglais et de l’allemand) le recueil L’esprit révolutionnaire, qui paraît en 1978 aux éditions Complexe à Bruxelles, et c’est sur Kolakowski qu’il publie son premier article en 1984. Sa pensée a continué à l’inspirer et il a été sollicité à maintes reprises pour la présenter dans des colloques ou conférences. Un autre recueil, Le Village introuvable, paraîtra chez le même éditeur en 1986. En 2011, il publiera sur lui une monographie aux éditions Michalon : Kolakowski. Le clivage de l’humanité .

En 1975-76, séjour d’étude à Fribourg-en-Brisgau pour un apprentissage d’allemand (Goethe-Institut) qui se prolonge par une inscription pour un semestre à l’université. En juillet 1976, exposé au séminaire du philosophe Friedrich Uehlein sur la pensée du langage de Wilhelm von Humboldt.

De 1977 à 1980, boursier du DAAD et séjour d’étude à l’Université de Münster, où il travaille sur la pensée du langage de Wilhelm von Humboldt, mais découvre aussi les cours de Hans Blumenberg dont il devient un auditeur assidu.

 

En 1979, il participe à la fondation des éditions philosophiques OUSIA à Bruxelles.

A partir de 1980, traducteur indépendant à Bruxelles.

Il fait partie d’un groupe informel de philosophes proches de la phénoménologie et poursuit une lecture assidue des écrits de Merleau-Ponty.

A Bruxelles, il effectue des travaux de traduction pour l’ARAU (« Atelier de recherches urbaines ») dirigé par Maurice Culot. Rencontre avec Léon Krier et Rob Krier. Il traduit pour les éditions de l’ARAU le livre de Karl Gruber Forme et caractère de la ville allemande, illustré par l'auteur, paru en 1985, qui est le point de départ de sa réflexion phénoménologique sur la ville, l’espace urbain et la monumentalité.

En 1987 et 1988, il donne un séminaire au Collège International de Philosophie à Paris sur le thème « Qu’est-ce qu’habiter ? Une approche phénoménologique ». Il est invité à plusieurs reprises aux colloques organisés à l’École d’architecture de Clermont-Ferrand.

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Karl Gruber, Vue de Stralsund

C’est aussi le départ de la publication d’un grand nombre d’articles sur des sujets divers, publiés dans plusieurs revues françaises (Le Temps de la Réflexion, Les Temps Modernes, Le Messager Européen, plus tard Philosophie, Critique, Commentaire). Ses contacts avec la France se multiplient, avec de nombreuses invitations, sans qu’il ne perde le contact avec la culture allemande.

En 1988, il assiste à Paris aux « Journées Paul Ricoeur » organisées par la revue Esprit, et y participe au « débat sur le langage ».

C’est vers cette époque qu’il s’intéresse à la philosophie du vivant et, en particulier, se met à lire attentivement les écrits d’Adolf Portmann, qui fût également un remarquable dessinateur.

En été 1988, il lit les écrits de Robert Spaemann et découvre sa pensée de l’« inversion de la téléologie » comme trait de la modernité, qui est pour lui une révélation. Il a l’occasion d’assister aux cours de Spaemann à l’université de Munich pendant le semestre d’hiver de 1988-89 et fait à son séminaire, en décembre 1988, un exposé sur Adolf Portmann (« Selbsterhaltung und Selbstdarstellung. Über Adolf Portmanns Auseinandersetzung mit der Evolutionstheorie »).

En 1989, chargé d’accompagner Hans-Georg Gadamer de Heidelberg à Bruxelles pour un colloque et de le raccompagner à Heidelberg, il a de longues conversations avec lui.

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Adolf Portmann, Animaux marins

En 1992, rencontre à Berlin avec Hans Jonas, sur la pensée duquel il avait publié en 1988 le premier article en langue française.

En 1993, il soutient un DEA à l’Université de Dijon (jury : Jean Gayon, Jean-Jacques Wunenburger, Marjorie Grene) sur « Le concept d’apparence dans la pensée morphologique d’Adolf Portmann », avec l’intention de prolonger cela par un doctorat, mais ce projet ne s’est jamais réalisé.

A partir de 1993, première participation au Messager Européen et début d’une longue amitié avec Alain Finkielkraut.

A Paris, rencontre avec le MAUSS (« Mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences Sociales ») animé par Alain Caillé, et début d’une longue participation à la Revue du MAUSS où il publie, à partir de 1993 et jusqu’en 2008, un grand nombre d’articles. La fréquentation de ce groupe (avec notamment les séminaires d’été) est un atelier qui lui permet de préciser et d’exposer sa pensée dans différents domaines. C’est dans la Bibliothèque du MAUSS que paraîtra en 2010 La Manifestation de Soi.

En décembre 1994, étant à Paris, il a le plaisir de pouvoir participer au débat de Cornelius Castoriadis avec le MAUSS (dont le texte a paru dans le volume Démocratie et relativisme). Castoriadis, rencontré en 1971 à Paris, compte beaucoup pour lui. Sans jamais avoir noué avec lui de relation soutenue, il a suivi avec une attention passionnée la publication de ses écrits et il n’a manqué aucune de ses conférences en Belgique. Cet intérêt a porté d’abord sur sa pensée politique de l’autogestion, mais s’est progressivement déplacé vers sa pensée philosophique de l’« institution imaginaire », et de la « création », qui est devenue l’une de ses sources d’inspiration.

En 1995, il séjourne à Montréal, invité par le sociologue Michel Freitag, avec qui il se découvert une profonde sympathie intellectuelle, reposant notamment sur une commune admiration pour Adolf Portmann. En 2010, il lui a dédié La Manifestation de Soi.

Dans les années 90, il apporte sa contribution au débat sur l’art contemporain (conférence à Montréal sur Weidlé en 1995, « Répliques » avec Yves Michaud). Dans ce débat très vif, il adopte une position proche de celle de Jean Clair, dont il devient l’ami.

En 1998, il co-organise avec Gérard Berthoud un colloque sur Adolf Portmann à l’Université de Lausanne, pour lequel il prononce la conférence d’introduction :« Animalité et humanité : une comparaison fondamentale. L’exemple d’Adolf Portmann ».

A partir de 1999, vivant à Berlin, où il a noué des liens familiaux, il a l’occasion de donner des séminaires à la Technische Universität (sur Husserl et Jonas), et d’animer un séminaire dans le cadre de l’Académie des Sciences.

En 2002 et 2003, il participe à deux reprises aux Cahiers d’Etudes lévinassiennes, édités à Jérusalem par Benny Lévy, qu’il rencontre à Paris.

En 2003, il dirige à Toulouse un séminaire de recherche sur la pensée de Hans Jonas.

En 2005, il fait la connaissance de Jean-François Mattéi, qui l’encourage dans son travail et l’invite par la suite à plusieurs colloques et volumes collectifs qu’il organise ou dirige.

Académie royale de langue et de littér

Jacques De Decker, Alain Berenboom, Paul Delsemme et Jacques Dewitte, récéption à l'Academie de langue et littérature française de Belgique,

Bruxelles, 2008

En 2007 paraît chez Michalon à Paris son premier livre, Le pouvoir de la langue et la liberté de l’esprit, Essai sur la résistance au langage totalitaire, suivi rapidement, en 2008, par L’exception européenne. Ces mérites qui nous distinguent. Le premier ouvrage reçoit en 2008 un prix de l’Académie de langue et de littérature française de Belgique. En 2009, il est invité à faire une tournée en Allemagne (Bonn, Düsseldorf, Mayence, Stuttgart) pour présenter son livre sur l’Europe dans plusieurs Instituts Français, et il prononce une conférence à Aix-la-Chapelle dans le cadre du Prix Charlemagne (dont le texte, sous une forme développée, a paru dans Commentaire sous le titre « Comment peut-on être Allemand ? »).

Il est le bénéficiaire de plusieurs bourses d’études : en 2009, année sabbatique (Promotion des Lettres, Bruxelles), en 2011, séjour à la Fondation des Treilles (Var), ce qui lui donne la possibilité d’écrire le premier jet de son grand livre sur le langage.

En 2014, il publie une traduction remaniée par lui et préfacée de La Forme animale d’Adolf Portmann.

En 2018, il publie, annote, préface et postface un texte à peu près inconnu de Wilhelm von Humboldt, rédigé en français en 1812, « Le prodige de l’origine des langues », qu’il avait découvert en bibliothèque lors de son séjour à Münster.

Depuis quelques années, il ne publie quasiment plus de longs articles, afin de se consacrer à des livres. Il travaille de front à plusieurs ouvrages, pour lesquels il n’a pas d’éditeur attitré.

Jacques Dewitte n’a aucune attache institutionnelle et jouit donc d’une grande liberté qui a aussi sa contrepartie. Il regrette souvent de n’avoir jamais eu de cours ou de séminaire où il aurait pu présenter ses recherches et sa pensée en cours d’élaboration. Il a le goût des rencontres et des discussions. Il est très désireux de nouer des amitiés intellectuelles.

Il a été très lié avec Henri Raynal, écrivain de l’émerveillement devant la beauté du monde, et lié par une amitié profonde avec le philosophe Jan Marejko, depuis leur première rencontre en 1998 jusqu’à sa mort inopinée en 2016. Il entretient une longue amitié avec le philosophe belge d’expression néerlandaise Jacques De Visscher, qui fait traduire plusieurs de ses articles en néerlandais, et à qui il a dédié son livre sur Kolakowski.

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Jan Marejko et Jacques Dewitte, Paris, 2008

Il a noué une « amitié au long cours » avec son compatriote Pierre Ryckmans, dit Simon Leys, vivant en Australie, rencontré une seule fois à Bruxelles, mais avec lequel il a entretenu une correspondance nourrie à partir de 1983 jusqu’à sa mort en 2013, correspondance qui comptait beaucoup pour Leys lui-même qui l’a appelée « nos conversations épistolaires ».

Il a participé une dizaine de fois, sur différents sujets, à l’émission « Répliques » de France Culture dont il apprécie beaucoup la liberté de ton et la rigueur des échanges (certaines de ses interventions ont été reprises dans deux des volumes thématiques publiés chez Stock).

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Au cours de ces dernières années eurent lieu quelques rencontres importantes : en 2013, celle, issue d’abord d’un intérêt commun pour la pensée d’Albert Camus, de Max-Erwann Gastineau, qui l’a introduit dans le groupe des jeunes intellectuels de la revue Limite ; en 2014, à partir d’un intérêt commun pour Adolf Portmann, celle de Fabrice Hadjadj, qui l’a invité plusieurs fois à l’institut Philanthropos qu’il dirige pour y donner un séminaire et des conférences.

« Il est rare aujourd’hui qu’un intellectuel puisse s’émanciper du système universitaire en refusant la « niche » qui lui est généralement réservée dans la spécialisation des savoirs. Jacques Dewitte est donc une exception, une sorte de mercenaire de la philosophie qui a décidé de ne pas amputer le libre exercice de sa curiosité à des impératifs carriéristes, préférant les attraits d’une communauté de pensée (sa relation épistolaire avec Simon Leys en atteste), d’une amitié des esprits, à la rigidité d’un corps professoral. »

(Laurent Moosen, 2008, dans Le Carnet et les instants)

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